Atelier gravure 1985 Maison Municipale des Jeunes

 

« Je suis plus intéressé par la compréhension de l’art, sa saisie que par son appréciation » Nelson Goodman, « l’art en théorie »

Entretien mené par Françoise Misbert

FM : Ces gravures réalisées en 1984-85, polychromes pour la plupart, donnent clairement à voir, pour certaines d’entre elles, non pas une proposition plastique mais la reproduction d’une page imprimée associant une image et un texte. Le motif de ces gravures ne serait-il pas une réflexion sur la page imprimée, sur « la soumission du visuel au littéraire » ?

MG : Le texte ici est un texte aveugle, un texte typographique simulé, représenté manuellement avec ses interstices qui peuvent parfois évoquer des coulures (des larmes ?) ou des colonnes justifiées. Nous sommes bien dans l’espace de la représentation. En réalisant ces « faux-textes », je ne sais plus lire, je perçois seulement l’impact visuel de ces signes qui évoquent d’une manière quelque peu impressionniste des lignes indéchiffrables.

La mise en page associe ici le carré iconique et le carré « texte simulé » au point qu’il n’est pas possible, me semble t-il, de ne pas se poser la question de l’authenticité du processus plastique. L’icône ici ne serait-elle pas la reproduction naturaliste d’une réalisation antérieure, hors champ, avant sa fixation sur le support papier ?

FM : D’autant plus qu’une gravure est par nature un produit à tirage multiple. Chaque tirage n’est que la reproduction plus ou moins identique du précédent ou du suivant. Si l’on peut distinguer l’écart qui sépare un texte typographique de sa transposition graphique, comment évaluer dans ces estampes un possible (ou non) écart entre l’icône originale et sa (re)présentation visuelle ?

MG : La question que je me posais alors (et cherchais à partager par l’expression graphique) est proche d’un questionnement sur l’authenticité de toute formulation plastique. Toute création ne comporterait-elle pas une part de contrefaçon ? J’ignorais presque tout, à l’époque de l’esthétique analytique, de la distinction entre art autographique et art allographique (Langages de l’art, Nelson Goodman) et mon questionnement était plus intuitif que structuré. Sans doute aussi les réflexion de Jean Baudrillard sur la « précession des simulacres » à propos de « la carte qui précède le territoire » commençaient-elles aussi à me marquer profondément.

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