2008, « LECONS de TENEBRES »

Aller à Ténèbres 

Imaginons… Aux Mâtines du Jeudi Saint de l’an 1692, dans la chapelle du couvent des Carmes, l’office de Ténèbres commence.
Sur l’autel brûlent quinze cierges. Après quelques psaumes et un long silence, une voix puissante s’élève en un long mélisme plaintif : « Ainsi commencent les lamentations du prophète Jérémie… ». Aleph, Beth, Ghimel… les lettres de l’alphabet hébraïque, véritables enluminures vocales, introduisent chaque nouveau verset des « Lamentations », ce beau poème de l’Ancien Testament chanté en latin. A chaque début de verset, une flamme s’éteint. La déploration des malheurs de Jérusalem prophétise une autre tragédie : Un à un, les apôtres et des deux Marie s’éloignent du Christ. L’obscurité gagne l’autel. Imperceptiblement, l’aube blanchit alors que n’est pas encore psalmodiée la dernière supplication des trois premières leçons: « Jérusalem, Jérusalem, retourne au Seigneur ton Dieu ! ». La victoire de la lumière annonce la triomphante résurrection du Sauveur.
Janvier 2007 : Loin de toute préoccupation liée au Sacré ou au Religieux, j’entreprends une nouvelle série de toiles. Au cours de l’exécution du premier tableau, le mot de Olivier Debré : « la peinture : une conversion du temps en espace… » revient sans cesse. Quel temps ? Celui du faire, du regard qui parcourt la toile, de l’expression musicale du pictural ? L’espace de la peinture n’est-il pas le lieu du temps suspendu, de l’affrontement de l’énergie des couleurs, de la lutte de l’ombre et de la lumière ? La mise en scène liturgique, au XII ème siècle, des Leçons condense magistralement ce rapport temps-espace-ombre-lumière. Aussi, la décision d’avancer dans la série en théâtralisant la montée progressive de l’intensité lumineuse est-elle arrêtée avant que ne soit terminée la première toile. Le titre de la série s’impose : Leçons de Ténèbres, en hommage à François Couperin. Il convient toutefois de lui laisser les trois premières leçons (les seules connues de lui) et de ne commencer la série qu’à la quatrième. (Michel Gardes, extrait de « Aller à Ténèbres », Rumeur des Ages 2009).

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