5) Table des matières

Table des matières

Chapitre I

La théorie des proportions et la symbolique
de quatre portes de La Rochelle de 1564 à 1628
1) Porte de la rue Bazoges. Vitruve : symmetria et commodulation
2) Définition de la beauté selon Alberti : porte de l’impasse tout-y faut
3) L’ âme du monde selon Platon : porte de la rue Gargoulleau
4) La Divine proportion selon Pacioli? Porte des Echevins

Chapitre 2

Le temps des conflits
1) Le silence des architectes : Porte de la rue des Mariettes
2) La réforme, la Parole et le regard : Porte du temple de Marsilly
3) Architecture et esthétique, entre Réforme et Contre-réforme : Porte du collège
Jeanne d’Albret
4) La porte du Présidial, entre baroque et classicisme en germe. La querelle Blondel-
Perrault, comme signe du déclin d’une esthétique transcendante

Préface

Le patrimoine architectural de La Rochelle contribue largement, aujourd’hui,
au prestige de la cité. Il témoigne d’un exceptionnel passé historique. Comme
tout organisme vivant, la ville a évolué au cours du temps. Les périodes fastes
de développement, les affrontements tragiques, les sièges destructeurs,
l’évolution de l’urbanisme, la succession des bâtiments n’ont cessé de
modifier son aspect depuis sa fondation au 11 ème siècle.
De sa grandeur passée, elle conserve des édifices exceptionnels qui sont les
stars incontournables des guides touristiques. Elle a aussi préservé d’autres
éléments architecturaux, moins connus du grand public, comme ces portes
d’immeubles construits entre 1564 et 1627. Quelque peu oubliées (1) elles
retiennent ici toute notre attention. elles sont les fruits d’une époque (de l’édit
de Roussillon de Charles IX à la capitulation en 1628) pendant laquelle la
grande citadelle huguenote, assuma, en France, un rôle capital dans l’histoire
du protestantisme.
Des quelques dizaines de portes sauvegardées de cette période, nous en
avons retenues huit ; pour leur état de conservation, leur qualité esthétique,
leur variété et leur unicité, leur fonction sociale de représentation publique ou
privée et la richesse de leur discours symbolique. Comme témoins de la
Renaissance tardive, elles héritent de l’art et de l’humanisme du quattrocento
et du cinquecento italien teintées de gallicisme. Elles subissent aussi
l’influence du baroque européen et du classicisme en devenir lié à
l’absolutisme et aux apports déterminants des grands architectes
protestants. Elles révèlent, dans leur conception, un soucis décoratif et de
représentation sociale qui mérite d’être mis en valeur. Elles tiennent à qui
prend le temps de les écouter, un étonnant discours symbolique qui confirme
les limites d’une théorie purement formelle, de l’esthétique renaissante plus
profane que spirituelle.
Une porte, morphologiquement, est une baie, un vide dans un mur et un
encadrement ; une voie qui permet ou interdit la circulation entre le dehors et
le dedans, ou l’espace public et l’espace privé. Outre son rôle pratique elle est
fille par ses caractéristiques formelles d’une époque. Un simple coup d’oeil
aux deux portes qui se font face (2 et 3), dans la cour de l’hôtel de Clerjotte,
à Saint-Martin de Ré, suffit à percevoir combien les deux styles diffèrent. Le
premier : gothique flamboyant avec dentelles de pierre, arc en accolade,
pilastres élancés de part et d’autre d’un axe à la verticalité dynamique qui
n’est pas sans évoquer la Croix, le second emprunté au vocabulaire antique :
pilastres et chapiteaux toscans, arc plein cintre, fronton triangulaire
interrompu, édicule à oculus, etc.
Ces deux encadrements qui respectent une même symétrie axiale verticale
ne traduisent-ils, chacun à leur manière, qu’une même intention : satisfaire
exclusivement le plaisir des yeux ? Comme si une forme détenait
naturellement, en elle-même, le pouvoir de séduction d’un « beau » couché
de soleil ou le charme de petits chats dans un panier. Non, elles nous disent,
ces deux compositions, combien de temps, d’efforts, de savoir-faire et de
réflexions ont été nécessaires pour que leurs auteurs parviennent à leur fin.
Elles soulignent le prestige du propriétaire, sa fortune, la transmission de la
réussite sociale et du pouvoir aux générations successives. Peut-être aussi
une forme de « justification », la richesse interprétée comme grâce divine et
comme moyen vertueux d’offrir à tous un peu de beauté.
Elles nous disent aussi combien les ouvriers sur le chantier, particulièrement
les tailleurs de pierre (de plus en plus nombreux, les immeubles de pierre se
substituant progressivement au XVI ème siècle aux maisons à colombages),
ont dû adapter leur technique, changer de références et de vocabulaire pour
désigner ces formes antiquisantes nouvelles. La création de ce nouveau
vocabulaire fut aussi un vrai chantier. Les humanistes du quattrocento, ont