1) Porte de la rue des Mariettes

Le silence des architectes: Symbolisme et enjeux de pouvoir

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porte rue des Mariettes

   La rue des Mariettes, selon F. De Vaux de Foletier, doit son nom à la présence de statuettes de la vierge. L’arc en plein-cintre, à claveaux et clé figurée, est encadré par un chambranle à crossettes et pointes-de-diamant. La corniche et le fronton en ailerons à volutes rentrantes sont interrompus par un édicule à jour, encadré lui aussi d’un chambranle à crossettes doté d’une clé à figure de chérubin (ou séraphin ?) et couronné d’un fronton en ailerons. Le décor sculpté est abondant et soigné : pots-à-eau, fruits, légumes, céréales, portraits d’angelots ailés accompagnent la modénature. Ces quelques traits d’inspiration baroque, permettent de dater cette porte du début du dix-septième siècle.

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   Dans notre première partie, LA VOIX DES PORTES, nous avons constaté que la symmétria règle les lois de l’eurythmie, cette heureuse harmonie des différentes parties d’un édifice. Cette Symmétria que Vitruve définit comme « la proportion qui règne entre toutes les parties de l’édifice, et le rapport de ces parties séparées avec l’ensemble à cause de l’uniformité des mesures. Dans le corps humain, le coude, le pied, la main, le doigt et les autres membres, offrent des rapports de grandeur ; ces mêmes rapports doivent se rencontrer dans toutes les parties d’un ouvrage. Pour les édifices sacrés, par exemple, c’est le diamètre de colonnes ou un triglyphe qui sert de module ». Et Alberti d’ajouter, ces accords musicaux qui plaisent tant à l’oreille, produits par des rapports arithmétiques simples de longueur de corde nous désignent les rapports dimensionnels qui séduisent assurément l’œil : «  Les noms des susditz accordz sont Diapente, qui se dit autrement sesquialtere (*), c’est à dire une quinte (=2/3). Diatessaron ou sesquitierce , autrement une quarte (3/4). Diapason, ou double, que l’on dict une octave (1/2): & Diapason Diapente, qui est une douzième (octave+quinte), ou mesure triple (1/2/3): puis Disdiapason, qui vault une quinzième, ou proportion quadruple (1/2/4)… »

exemple pour la porte de la rue Bazoges :

Une grille modulaire  nous permet de retrouver ces mêmes accords : soit h/l = 10 mo/5mo = 2/1 ou octave ; largeur des deux piedroits/ largeur de baie= 2/3 = quinte ; largeur de baie/ distance entre deux jambages du chambranle = 3/4 = quarte.

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figure 1

Les proportions « géométriques »

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Le silence des architectes

Le rectangle limité par le chambranle et le seuil (fig.1) est un rectangle Φ. L’arc plein-cintre de la baie est inscrit dans un carré, à partir duquel un rectangle Φ’ précise la moulure basse du chambranle (fig. 4). Ce même rectangle a une hauteur égale à la largeur incluant les jambages. Cette largeur, considérée comme côté du carré limité en hauteur par la corniche du fronton, permet de construire un troisième rectangle Φ’’ qui parvient au sommet de l’édicule (fig 5). La subdivision du rectangle Φ’’’ prouve que la hauteur et la largeur du jour de l’édicule ne doit rien au hasard et que le même tracé régulateur que celui de la porte des Echevins permet de concilier tracé arithmétique et tracé géométrique et que la base initiale de la porte était un peu plus basse que le niveau actuel du sol et compte-tenu de la hauteur actuelle du seuil il est probable qu’une marche ou plusieurs marches aient disparues.

Si dans son étude de la proportion harmonique, Rudolph Wittkower admet que les architectes-théoriciens de la Renaissance, comme Palladio, ont très probablement partagé les spéculations néo-platoniciennes d’un Francesco Zorzi ou d’un Luca Pacioli, il reste convaincu que leur conception de la proportion harmonieuse « se base sur la commensurabililté des rapports ». (1). Comme nous l’avons constaté dans la composition des quatre portes précédentes, les rapports commensurables s’accordent aux consonances musicales de la gamme pythagoricienne comme l’octave, la quinte, la quatre, le ton (2) . Toutefois l’historien ajoute dans une de ses notes qu’ « aucune étude fiable des bâtiments de la Renaissance n’a encore été faite », mais que si elle l’était (nous sommes en 1949), une telle étude confirmerait son hypothèse. Ce qui ne l’empêche pas de constater que le carré, figure géométrique majeure après le cercle, à la Renaissance a été utilisé à la fois dans un contexte rationnel et métrique et dans un contexte irrationnel et géométrique (3). Tout comme il n’ignore pas l’importance qu’accorde Vitruve à la géométrie pour régler « les questions difficiles concernant les Symmetries » (4), et les intentions de Philibert de l’Orme de tirer de l’ Ecriture sainte son second tome «  qui portera le tiltre & nom des Divines Proportions » titre allusif à l’ouvrage de Luca Pacioli et au rapport Ф ( Propitiatoire : L/l = 5/3 (suite Fibonacci))

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Dans le chapitre IV  du huitième Livre de son traité d’architecture publié en 1548, Philibert de l’Orme propose un schéma pour une  » Autre sorte (de mesures) pour trouver promptement les mesures d’une porte avec les ornements de ses colonnes  » dans lequel il combine un tracé modulaire rationnel exprimé par une grille de 18*18 carreaux et une construction géométrique Ф sous-jacente procédé proche de celui de Serlio pour obtenir le tracé du chambranle et sa valeur rationnelle approchée 13/8 (soit 1,625 pour 1,618034…) dont il ne dit rien, laissant à la gravure le soin de parler aux initiés. Ce tracé illustre les propos déjà cités de Pacioli ( chapitre VII,   » notre divine proportion envoyée du ciel s’accorde avec les autres en définition et en conditions, et ne les diminue en rien, mais bien au contraire les magnifie davantage… « ) et témoigne des efforts des architectes pour rationaliser le système des proportions, la grille de carreaux tendant à se superposer au système des rapports musicaux (octave, quinte, quarte etc.) sans les supprimer pour autant : les six carreaux de la largeur de baie sont en consonance, à l’octave (bidiapason) avec les 12 carreaux de sa hauteur, laquelle est dans un rapport de quinte avec la hauteur totale de 18c, soit une suite 6/12/18 ou diapason-diapente.(5)

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   Une démarche analogue est identifiable dans le tracé du chapitre précédent (« Autres sortes de mesures, non seulement pour des arcs triomphaux et grandes portes des villes, mais aussi pour les principales entrées et portes des Eglises, Temples, Chasteaux, Palais, et simples maisons dans lesquelles on se peut aider de plusieurs sortes de mesures, tant belles qu’on en aura affaire« ). La porte de l’édifice est un rectangle V¯2 qui permet de situer aussi les axes des bas-côtés (rectangle de sommet supérieur droit B), le rectangle OPSR (5/3) pour la nef correspond à une valeur approchée de Ø (rectangle bleu superposé au tracé).

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   Comme Pacioli avant lui, Philibert de l’Orme envisage de donner une suite à son ouvrage. Au chapitre XXX du livre V, il annonce au lecteur une seconde partie à venir : « Je n’use point icy du pied de Roi, ny du pied antique, ny moins des palmes Romains, ny autres mesures, sinon des proportions lesquelles i’ay tirées de l’Ecriture Saincte du Vieil Testament, & (ce que ie diray sans aucune jactance) les mets en usage le premier, ainsi que ie feray apparoir de bref, Dieu aydant, par le discours de notre seconde partie d’Architecture qui portera le tiltre & nom des Divines Proportions. »

arche d'allianceArche d’alliance, propitiatoire : rapport L/l = 5/3 (cf suite de Fibonacci), bible 1616 (H. Haultin, par Corneille Hertman)

   Cet ouvrage consacré aux Divines proportions ne verra pas le jour. Faute de temps ? Ou bien l’auteur a-t-il pris conscience qu’il ne serait point le premier dans une voie qui pouvait désormais apparaître quelque peu archaïque et bouleverser certains équilibres fragiles comme nous allons le voir plus avant ? Manfredo Tafuri nous rappelle la volonté de l’architecte, dans sa jeunesse, d’intégrer les valeurs encore actuelles de la maîtrise gothique la plus élevée avec méthodes et syntaxes introduites par l’Humanisme (6). Pourquoi ce fils d’entrepreneur maître-maçon formé lui-même à la techné du maçon et du tailleur-de-pierre, ce maître de la stéréotomie épris d’expériences constructives, n’aurait-il pas eu, sur le tard, le désir de trouver le bon équilibre entre l’invention technologique, la tradition française et des ornements classiques ? Et cela à une époque où la concurrence des traditions gothiques et modernes en présence motive de nombreux conflits de pouvoirs.

Une tradition médiévale continue

   Qu’il s’agisse de la technologie guerrière, de la « science » des automates ou de l’art de la construction, l’ influence de l’antiquité, jusqu’au quattrocento emprunte de nombreux relais (7). Arithmétique, géométrie, astronomie et musique, le fameux quadrivium, se distingue, au moyen age, des arts mécaniques : peinture, sculpture et architecture. Nous avons vu précédemment comment Alberti, à la suite de Brunelleschi, est parvenu, en associant arts plastiques, mathématiques et proportions musicales, à élever ces activités artisanales au niveau des arts libéraux et donner à l’artiste un rôle social majeur.

   Au moyenâge, quelques rares carnets de notes et dessins témoignent des influences de l’antiquité et révèlent aussi la capacité d’inventer de leurs auteurs : Guy de Vigevano invente, au XIV° siècle, des machines de guerre démontables afin de pouvoir les transporter sur les sites d’affrontement des croisades. Technique de préfabrication qui anticipe sur les charpentes à la Philibert De l’Orme des Nouvelles inventions pour bien bastir et a petits frais publiées en 1561 (8) Technique innovante qui sera mise en œuvre lors de la construction de la charpente du grand temple de La Rochelle Quant aux manuscrits de Villard de Honnecourt (9), ils présentent des tracés géométriques comme aide au dessin non dépourvus de signification symbolique . On peut y voir en particulier la mise au carreau d’un visage et des pentagrammes, figures dont la construction géométrique (comme le décagone, L VII, ch 4 chez Alberti (3) fig.4) est issue de la division du segment en extrême et moyenne raison.

   A la fin du quattrocento, Léonard de Vinci, ne mentionne, dans le texte qui accompagne son dessin de l’homme vitruvien que des rapports de nombres entiers. Pourtant le rapport hauteur du nombril / hauteur totale (pieds joints) égale Φ, ce qui, de sa part, ne peut être une simple coïncidence (10) .

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   Pour revenir au moyen âge, les communautés de métiers furent une des grandes courroies de transmission de la tradition coutumière. La réglementation, à Paris au 13° siècle, nous en est connue par le livre des métiers de Etienne Boileau, prévôt de Paris. La hiérarchie maître-valet-apprenti fixe les droits et devoirs de chacun. Les usages peuvent être très différents d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre, et varient souvent dans le temps : aide entre maîtres en cas de difficultés, obstacles divers pour accéder à la maîtrise, taxes, serments, examens, chefs-d’œuvre, charges nombreuses et variées, dure concurrence entre statuts différents, maîtrises jurées et métiers libres… l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, de François Ier, en 1539 essaie de mettre bon ordre :« Suivant nos anciennes ordonnances et arrêts de nos cours souverains, seront abattues, interdites et défendues toutes confréries de gens de métier et artisans par tout le royaume […] défense à tous compagnons et ouvriers de s’assembler en corps sous prétexte de confréries ou autrement, de cabaler entre eux pour se placer les uns les autres chez les maistres ou pour en sortir, ni empêcher de quelque manière que ce soit lesdits maistres de choisir eux-mêmes leurs ouvriers soit français soit étrangers. » suivies plus tard, sous Charles IX et Henri III par les lettres de Maîtrise, imposées à tous les artisans. Bon moyen d’unifier leur statut dans le royaume et de dégager des ressources financières non négligeables (11). Les enjeux de pouvoir, n’excluent pas, sur les chantiers de construction, les conflits internes, nombreux, parfois violents. Monopole d’embauche, grèves, ententes pour fixer les salaires, itinérants contre saisonniers locaux, solidarité des compagnons contre maîtres, commanditaires contre salariés et tenants d’une tradition gothique opposés aux architectes humanistes ou leurs émules. En 1434, à Florence, le conflit qui opposa Philippo Brunelleschi à la corporation des maçons et des menuisiers illustre les rapports tendus qui pouvaient exister dès cette époque entre les corps de métiers constitués et les nouveaux venus, ces « humanistes constructeurs » : Pour avoir édifié la grande coupole de Sainte-Marie-des-fleurs sans avoir acquitté sa cotisation annuelle à la corporation, bafouant ainsi l’autorité des consuls et les statuts de l’association, Philippo fut emprisonné et ne dut sa libération qu’à l’intervention énergique des Fabriciens de la cathédrale (12)

   Autre aspect de la tradition : on construit encore gothique au XVI ° et XVII siècle, en France. le décor architectural, même quand il s’inspire des modèles italiens ne perd pas totalement le goût « barbare ». Pour s’en convaincre il suffit d’observer les mâchicoulis en surplomb de la porte des échevins ou de constater combien la virtuosité du tailleur des dentelles de pierre de la porte de la fin du XV°, dans la cour de l’hôtel de Clerjotte, précède celles de la porte de l’hôtel de ville (1606, conservée en partie au musée des beaux-arts).

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Au terme
de ces quelques réflexions, le silence des architectes humanistes quant aux nombres irrationnels liés au tracé géométrique nous apparaît manifestement comme la volonté de rationaliser la mise en œuvre suivant le modèle vitruvien. De la conception intellectuelle à la réalisation sur le chantier, ce parti pris les amènent à rompre avec la tradition médiévale (à la règle et au compas-cordeau) en imposant le module arithmétique (16). Ce choix ne s’impose pas aux théoriciens eux-même sans certaines hésitations et sans précautions à l’égard des corporations du bâtiment. Mario Carpo avance que la méthode modulaire ne se serait diffusée en France que tardivement (17), à partir de Philibert de l’Orme, et cite Jean Bullant qui réalise « au prouffist de tous les ouvriers besognant au compas et à l’équerre » sa Reigle générale d’architecture, selon laquelle, « … le seul compas suffira pour en donner raison et intelligence aux ouvriers.Et (…) ceux qui ont pratiqué au compas, n’auront besoin d’autres lectures ».Si la Renaissance
s’impose en France, un siècle plus tard qu’en Italie, et avec des réticences, c’est du aussi à l’attachement des maîtres-maçons à la culture héritée des us et coutumes gothiques, au refus de perdre l’ autorité liée à leur savoir et savoir-faire (13), et leur indépendance. Soumis au projet et au contrôle des auteurs des modèles diffusés par les traités imprimés, les maîtres -maçons n’abdiqueront pas facilement devant les promoteurs de cette nouvelle architecture, que Mario Carpo qualifie de typographique (14). A cette lutte de pouvoir il convient d’ajouter les difficultés de communication. Comment désigner sur le chantier ces nouvelles formes, les différentes parties et les décors de ces nouveaux éléments inspirés de l’antiquité quand maçons, tailleurs de pierre et charpentiers ne pratiquent ni le latin, ni l’italien, encore moins le grec ? Quand ne sachant lire, ils sont incapables de passer d’une tradition orale et gestuelle (15) à la communication écrite, fût-elle accompagnée d’images des gravures qui, privées de texte restent muettes ou bien difficiles à décrypter. Nous nous interrogerons plus avant au sujet de notre prochain exemple , la porte du temple de Marsilly, sur les conséquences de l’alphabétisation des réformés dans la diffusion des nouveaux modèles.

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   La démarche pédagogique de Bullant n’est pas isolée. Elle est précédée de la traduction et des interprétations de Vitruve de Jean Martin (1547) ainsi que de celles de Jean Gardet (epitome ou extrait abrégé des dix livres d’architecture de Marc Vitruve Pollion, 1556) , autant de tentatives de mettre l’architecture all’antica à portée des maçons et des tailleurs de pierre. Tentatives qui renforcent le pouvoir de décision de l’architecte, ce nouveau venu porteur de projet anticipé hors chantier. Effort de vulgarisation qui comme nous allons le voir maintenant va tirer ainsi un large profit de la diffusion des ouvrages imprimés et des xylographies et gravures sur métal, à l’avantage des humanistes mais aussi des Réformés, et au dépends économiques et culturels de la Contre-Réforme.

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(1) Pour preuve, l’affirmation de Palladio : « …toutes les parties des constructions doivent correspondre entre elles, et avoir des proportions telles que toutes doivent permettre de mesurer l’ensemble de l’édifice, de même que toutes les autres parties ».

(2) Alberti, De RE aedificatoria, LivreIX, chapitre 5 : voir

(3) R. Wiitkower ouvrage cité, appendice II, traduction de Claire Fargeot (éditions de la Passion, paris 2003).

Vitruve, Alberti et de nombreux auteurs de traités du XVI° siècle mentionnent la diagonale du carré, soit Ѵ2, comme mesure à retenir soit pour la longueur d’un bassin de largeur 1, pour la plus basse ouverture de porte ou pour la hauteur d’un piédestal dorique selon Serlio (Livre IV). Les vingt cannelures de la colonne sont obtenues par tracé géométrique qui s’apparente au tracé du pentagone et à la division d’un segment en extrême et moyenne raison.
(4)  Il est besoing qu’il sache (l’architecte) bien pourtraire (dessiner), a ce que par ses deseingz ou figures, luy soit loisible de représenter toute forme d’ouvrage a ceulx que bon lui semblera. Au regard de la Geometrie, elle fait plusieurs grands secours en cest endroict ; car par la bonne disposition des lignes, elle apprend l’usage du compas, au moyen duquel sont plus a l’ayse expediées les descriptions des Edifices sur les terrasses ou plates formes : & s’en font plus iustement les conduites & directions des traictz, pour les reduire a Regle & a NyveauEt au moyen de l’Arithmétique saura dresser le compte de tous les fraiz d’un bastiment puis avec les methodes ou brieves narrations de Geometrie, pourra exposer la raison des mesures, ensemble les questions difficiles concernant les symmetries. »(4) Vitruve, Architecture, ou art de bien bastir… Livre I, ch.1, traduction de Jean Martin pour rester au plus près de l’interprétation en langue française, en 1547, du texte latin.

(5) Ce tracé à la fois modulaire (arithmétique) et géométrique donne raison à Choisy quand il souligne la concordance des deux méthodes.

(6) Manfredo Tafuri, « Architecture et humanisme, de la Renaissance aux réformes », Dunod 1981. p. 137

« … Ainsi , Philibert de l’Orme réfute objectivement l’interprétation néo-platonicienne, idéaliste de la Raison humaniste… Si l’art veut s’identifier à la science il devra accepter la mise en cause de tout système linguistique préalable à chaque fois qu’une nouvelle expérience constructive sérieuse le contraindra à un remaniement brutal. »

(7) « Les ingénieurs de la Renaissance », Bertrand Gilles

L’auteur souligne, à propos de ces influences, l’importance des relais arabes et byzantins ce qui n’exclut pas des inventions comme celles de Al Jazari dans son traité des automates (13° siècle).

(8) Yves Pauwels (Cesr, Tours) – 2005. Présentation sur le site du Cesr,Tours des Nouvelles inventions pour bien bastir et a petits frais.

« … De l’Orme traite ici de l’utilisation du bois, sans pour autant rédiger un livre de charpenterie. Son propos est à la fois plus limité et plus original : il s’agit de présenter une technique nouvelle consistant à remplacer poutres et solives par des assemblages de petites pièces de bois réunies dans des structures portantes, toitures ou planchers, à la manière des pierres dans une voûte. Cette invention, dont Philibert revendique avec fierté la paternité, présente selon lui tous les avantages : pallier la rareté des grands arbres, dégager les combles en éliminant tous les éléments traditionnels qui occupent l’espace dans les charpentes habituelles, faciliter l’entretien car il est plus aisé et moins coûteux de remplacer un petit élément défaillant que de refaire toute une toiture, ce qui accroît la longévité de l’édifice… « La charpente à la Philibert De l’Orme » n’en a pas moins connu un réel succès, en France, en Europe, voire aux Etats-Unis. Cette fortune souligne l’intérêt des Nouvelles inventions, qui furent de fait le premier véritable traité technique publié à la Renaissance…

(9) Villard de Honnecourt, manuscrit folio 36 et folio 37

(10) l’homme de Vitruve, Vinci, Académie de Venise. Vinci qui grave pour Pacioli les cinq corps platoniciens de « la divine proportion » de Pacioli

(11) Martin Saint-Léon, Étienne (1860-1934). Histoire des corporations de métiers depuis leurs origines jusqu’à leur suppression en 1791, BnF Gallica.

Sur la relation au pouvoir des métiers, L’architecture et la règle, de Jean pierre Epron, précise: «  l’histoire des métiers est faite d’une série de connivences avec le pouvoir. En échange de leur fidélité à prendre en charge l’intérêt général, les métiers obtiennent délégation de pouvoir pour définir les règles de la protection du public. Ils s’efforcent, en établissant ces règles générales, de sauvegarder leurs intérêts particuliers. Mais l’histoire des techniques est faite aussi de l’histoire des révoltes et des rebellions des techniciens contre le pouvoir. »

(12) Actes de la Fabrique  de la cathédrale de Florence, 1434, cités dans « Brunelleschi », L’Equerre – Direction de l’Architecture, 1978.

(x) Caroline Courbières, Patrick Fraysse, Langage de l’architecture, architecture des langages

« … le livre d’architecture sert de moyen de communication et d’illustration des théories architecturales, depuis la publication en 1485 de Re Aedificatoria d’Alberti, et surtout de l’édition en 1511 en Italie (Venise) de De architectura de l’architecte romain Vitruve, illustré de 136 gravures de Fra Giocondo. La traduction italienne de Vitruve, parue à Milan en 1521, est suivie, en 1547, d’une traduction française, œuvre de l’humaniste Jean Martin. Dans son vocabulaire de « l’Architecture, ou Art de bien bastir », Vitruve évoque une variété de sujets (urbanisme, édifices publics et maisons particulières, installations portuaires, décors et matériaux de construction, etc.) et pose les bases d’une théorie architecturale qui fait autorité pendant quinze siècles, et influence tous les traités de la Renaissance. Le texte des dix livres du traité de Vitruve, très confus, et parfois assez éloigné de ce que l’on savait au XVIe siècle de l’architecture antique, est complété dans la version française d’un glossaire rédigé par Jean Martin et illustré d’environ 140 figures. À la même époque, et dans d’autres aires culturelles européennes, La chronique universelle de Hartmann Schedel, est imprimée à Nuremberg en 1493 et le Livre extraordinaire de l’architecture de Serlio à Lyon en 1551. Les livres d’architecture3 de Jacques Androuet du Cerceau dont le plus célèbre, ses Plus Excellents Bastiments de France (1576 et 1579), dédié à la reine Catherine de Médicis, offre des vues urbaines ou d’édifices, réalistes ou non, que l’on ne connaissait jusqu’alors que par le texte et constitue un corpus de modèles pour les architectes. Chaque grand maître de l’architecture publie alors son traité ou son « cours » illustrant ainsi son programme architectural… »

(13) Yves Deforge, Le graphisme technique, son histoire et son enseignement, collection milieux, CHAMP VALLON, 1981

Quelques secrets de métiers existaient bien, détenus par les cadres du chantier, « mais ils se résumaient à peu de choses : « connaissances des matériaux, proportions, tracés élémentaires. »

(14) Mario Carpo, L’architecture à l’âge de l’imprimerie, EDITIONS DE LA VILLETTE, 2008

(15) la transmission orale du savoirfaire passe aussi par l’éducation du geste et la participation du corps. Au XX°siècle, les compagnons ébénistes-sculpteurs-sur-bois effectuaient encore, par exemple, un pied style Louis XV, à l’aide d’un nombre limité de coups de ciseaux. Les gestes mémorisés, permettaient la reproduction à l’identique de la forme par l’artisan et d’économiser aussi le temps d’exécution. Cette pratique rappelle la technique des tapis orientaux, noués à la main, dont le décor complexe n’est pas reproduit d’après un calque visible, mais exécuté à l’aide de chants qui guident la succession des gestes, des noeuds et le choix des couleurs.

(16) Mais un tel schéma est trop binaire pour refléter la complexité des situations. Le dogme chrétien confronté à une culture antique rêvée, la mathématique comme indice cosmique de la présence divine, l’effort de Marsile Ficin de christianiser Platon, le libre-arbitre d’Erasme opposé au cerf-arbitre de luther, la diversité des réponses humanistes aux crises politiques, sociales, philosophiques et religieuses, les errements entre rupture et continuité dans les domaines de la technique et de la production, la diffusion des connaissances et des images par l’imprimerie, la contre-réforme en guerre contre la réforme : autant de données qui interfèrent sur les influences locales ou externes et les conflits qui opposent dans le domaine spécifique du bâtiment les différents corps, anciens et modernes.

(17) Mario Carpo, ouvrage cité, note 271, p.175.

(18) Dessin de la porte de la fabrique du château Farnese à Caprarola